Bartimée

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La vie éternelle ne sera pas une récompense pour enfants sages !

 

Poursuivons la réflexion d'Adrien Candiard sur la vie éternelle. Sa lecture est un peu déconcertante : la vie éternelle commence maintenant...

 

Espérer, c'est quelque chose de très concret : c'est croire que Dieu nous rend capables de poser des actes éternels. Que, quand nous aimons, cet amour n'est pas simplement un beau sentiment dans une marée d'absurdité vouée à la mort, mais une fenêtre que nous ouvrons sur l'éternité. Car ces actes éternels, ces actes que nous pouvons faire et dont le fruit est éternel, ce sont bien sûr les actes d'amour, les seuls qui comptent. Ce sont eux qui construisent, dans notre monde déjà, l'éternité, le Royaume de Dieu.

 

Cela nous oblige à renoncer à une vision à la fois très courante, et pour tout dire très infantilisante, de la vie éternelle comme récompense. Elle ne nous est pas donnée pour nous féliciter d'avoir cru au bon Dieu, d’avoir été dans le bon camp, ni d'avoir accompli des actions justes et méritoires ou du moins d'avoir évité les péchés les plus graves. Il ne s'agit pas d'emmener au cirque un enfant pour le récompenser d'avoir été bien sage. Il n'y a pas d'un côté la vie chrétienne en ce monde, éprouvante, pleine de sacrifices et de souffrances à supporter en serrant les dents avec patience, et de l'autre la vie éternelle, faite de délices et de douceur, pour nous remettre des fatigues de la première: c'est la même vie, et si certains s'ennuient dès cette vie de la présence de Dieu, il y a fort à craindre qu'ils ne se plaisent pas beaucoup plus après leur mort.

 

Espérer, dans la pratique, ce n'est pas seulement croire que nous sommes capables d'éternité: c'est vivre en préférant l’éternel au reste, en faisant passer l’éternel d'abord, avant l'urgent, avant tout le reste qui nous paraît si important sur le moment. Espérer, c'est accepter d'adopter le point de vue de l'éternité: non pas un point de vue froid et lointain, mais au contraire, le point de vue de l'amour. Comme nos vies changeraient, si nous savions ordonner nos priorités en fonction du poids d'éternité de nos actions: l’ambition, le souci de gagner de l'argent, l'envie de se faire reconnaître se retrouveraient très vite au bas de la pile. On découvrirait que préparer un gâteau pour une voisine isolée, à qui cela fera plaisir, construit bien plus l’éternité que son poids de farine, d'œufs et de sucre ne le laisserait croire.

 

La vie éternelle n'est donc pas une manière de s'évader, de chercher refuge contre le mal et la finitude de notre univers dans des arrières-mondes imaginaires ou renvoyés à un avenir surnaturel, comme on l’a reproché au christianisme, accusé de négliger la vie présente. Elle permet au contraire, et très concrètement, de prendre notre monde au sérieux en le regardant pour ce qu'i| est, en donnant à chacun de ses éléments sa juste place, son juste poids. Cela dégonflera certainement bien des baudruches d'ambition, de rêves de célébrité, de fantasme de domination, de soif de richesse, de crainte de déclassement qui nous font courir. Mais découvrir qu'il est vain de chercher à s'admirer par les yeux des autres, est-ce vraiment renoncer au monde réel?

 

N'est-ce pas plutôt commencer à y vivre, les deux pieds enfin sur terre?

 

(Veilleur où en est la nuit ? p 70-75)

 

Cloitre de San pedro el Viejo - Huesca- Aragon
L'incrédulité de Thomas - XII eme s



21/07/2018
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