Jésus-Christ
Pâques est la fête du Christ ressuscitant, c’est-à-dire le Christ qui nous relève
Ces fêtes de Pâques célébrées dans une sorte de réclusion m'ont laissé un peu frustré. Pouvoir fêter avec d'autres le triomphe de la Vie aide à en ressentir le dynamisme actuel. Cette année, il faut creuser plus profondément pour bénéficier de cette lumière. Daniel Marguerat, pasteur et bibliste suisse, a donné une interview à La Croix le 11 Avril. Son paragraphe sur la Résurrection du Seigneur m'a beaucoup éclairé.
Les premiers chrétiens ont fait de la résurrection du Christ l’affirmation première : « Dieu l’a relevé des morts. » Mais en étudiant les récits de la résurrection, je me suis rendu compte que si la proclamation pascale s’est placée au cœur de la foi, c’est parce que le Christ, ressuscité, est aussi un Christ « ressuscitant ».
Les premiers chrétiens ont reconnu que ce mouvement par lequel Dieu fait rejaillir la vie au-delà de la mort n’est pas unique, mais qu’il surgit au cœur même de la vie. C’est pourquoi ils ont utilisé le vocabulaire de la résurrection pour dire comment Jésus guérit les malades et les relève. Ils ont bien vu, ces premiers chrétiens, que le message de Pâques n’est pas seulement un message d’outre-tombe. C’est un message qui perçoit comment, au cœur de la vie, Dieu vient nous surprendre et nous donne la force de surmonter les échecs et les malheurs, ces petites morts que nous traversons.
Il faudrait dire et répéter que Pâques est la fête du Christ ressuscitant, c’est-à-dire le Christ qui nous relève.
Je crois à la résurrection future des corps ; Dieu nous accueillera après notre trépas ; mais j’y crois parce que je discerne, dans ma vie et la vie d’autres, les signes du Christ ressuscitant. Des épisodes de notre vie ont un parfum de résurrection : ce parfum est la trace du Dieu qui ressuscite et relève.
Dans mon dernier livre, « Vie et destin de Jésus de Nazareth », j’ai montré comment la nouvelle de Pâques est à recevoir, c’est-à-dire pas seulement comme une information sur des événements qui se sont déroulés en l’an 30 de notre ère. Ce qui s’est inscrit à ce moment de l’histoire, c’est la révélation que l’ultime parole, sur notre vie et sur l’histoire du monde appartient à Dieu. En dépit de ceux qui se proclament les maîtres du monde, qu’ils soient politiciens ou économistes, la vérité ultime revient à Dieu.
En ces temps de catastrophisme collectif, il devient urgent de le dire et le redire, de le célébrer, de le partager.
Ressuscito !
A tous, Joyeuses Paques. Dans ce contexte de mort rampante et d'enfermement, cette victoire du Vivant est porteuse de dynamisme. Bertrand Révillon, dans Panorama en 2001, l'exprimait fort bien. Que ce texte plein d'allant vous communique Joie te Allégresse.
Pâques : bienheureuse minute où la nuit cède enfin le pas aux premières lueurs de l’aube.
Pâques : temps béni où nous pouvons enfin nous risquer à devenir ce que nous sommes : des marcheurs, des nomades, des aventuriers, les yeux rivés vers la Terre promise de notre propre résurrection. Viens, Seigneur !
Viens, Esprit consolateur, abattre l’arbre mort de nos doutes, où Tu gis, inerte et crucifié.
Viens, Esprit créateur, habiter notre coeur pour mieux nous relever de l’intérieur.
Écarte, de Ton Souffle, la cendre de nos vies et viens attiser la braise de notre espérance.
Sois pour nous Parole qui guérit, Lumière qui éclaire, Amour qui transfigure.
Viens, Seigneur, nous murmurer à l’âme que, déjà, Tu es là !
Les mains vides
En ce jour de nativité, Joyeux Noël à tous les abonnés fidèles de ce blog et aux visiteurs de passage.
Comment passer Noël sans un conte ? J'ai découvert celui que je vous propose il y a bien des années quand mes enfants étaient petits, et il demeure un de mes préférés. Loin de toute niaiserie et autre folklore, il propose un récit à la vraie saveur évangélique. Comment ne pas y voir une illustration du chapitre XXV de l'évangile de Mathieu (" J'avais faim, j'étais nu ...") ?
Le quatrième roi
D’après Joannès Joergensen
Une vieille légende raconte que, lorsque les rois mages vinrent à la crèche, l'enfant ne tendit pas ses petites mains vers l'or éclatant. La fumée de l’encens fit tousser ses petits poumons. Il se détourna de la myrrhe et embrassa les larmes dans les yeux de sa mère.
Les trois rois se relevèrent et prirent congé, avec le sentiment de gens qui n'ont pas été appréciés selon leur mérite.
Mais quand la tête et le cou de leurs dromadaires eurent disparu derrière les montagnes, quand le dernier tintement de leurs harnais eut expiré sur la route de Jérusalem, alors parut le quatrième roi.
Sa patrie était le Pays que baigne le Golfe Persique ; il en avait apporté trois perles précieuses. Il devait les donner au roi qui était né à l'Occident, et dont lui aussi avait vu l'étoile un soir dans la roseraie de Shiraz. Il s'était levé et avait tout abandonné. En vain son sommelier lui versait-il le vin ardent, en vain sanglotait le rossignol à l'ombre des rosiers, en vain le jet d’eau pleurait de douces larmes, en vain la Sulejka aux yeux noirs l’enlaçait sur les coussins du divan. Le roi de Perse prit son trésor le plus rare, ses trois perles blanches qui étaient aussi grosses que des œufs de pigeon ; il les mit dans sa ceinture et résolut de chercher le lieu au-dessus duquel brillait l'étoile.
Il le découvrit... mais il arriva trop tard. Les trois autres rois étaient venus, et ils étaient partis. Il arrivait trop tard... et les mains vides... il n'avait plus de perles.
Il ouvrit largement les portes de l'étable sainte où se trouvaient le Fils de Dieu, la Mère de Dieu et le père nourricier de Dieu. Le jour tombait, l'étable devenait sombre ; une légère odeur d'encens flottait encore. Saint Joseph retournait la paille de la crèche pour la nuit, l'Enfant-Jésus était sur les genoux de sa mère. Elle le berçait doucement et, à mi-voix, chantait une de ces berceuses qu'on entend le soir quand on se promène dans les rues de Bethléem.
Lentement, en hésitant, le roi de Perse s'avança puis se jeta au pied de l'Enfant et de sa mère. Lentement, en hésitant, il commença à parler.
« Seigneur, dit-il, je viens à part des autres saints rois qui t’ont tous rendu hommage et dont tu as reçu les dons. J’avais aussi une offrande pour toi, trois perles précieuses, grosses comme un œuf de pigeon, trois vraies perles de la Mer Persique.
Je ne les ai plus. Je suis venu à part des trois autres rois. Ils marchaient devant moi sur leurs dromadaires ; je suis resté en arrière dans une hôtellerie sur le bord du chemin. J'eus tort. Le vin me tentait, un rossignol chantait et me rappela Shiraz... Je décidai d'y passer la nuit. Quand j'entrai dans la salle des voyageurs, j'aperçus un vieillard tremblant de fièvre étendu sur le banc du poêle. Nul ne savait qui il était. Sa bourse était vide ; il n'avait pas d'argent pour payer le médecin et les soins qui lui étaient nécessaires. Il devait être jeté dehors le lendemain s'il ne mourait auparavant, le pauvre !
Seigneur, c'était un homme très vieux, brun et sec, avec une barbe blanche embroussaillée ; il me rappelait mon père. Seigneur, pardonne-moi, j’ai pris une perle dans ma ceinture et l'ai donnée à l’aubergiste, pour qu’il lui procure un médecin et lui assure les soins et, s'il mourait, une tombe en terre bénie.
Le lendemain, je repartis. Je poussai mon âne autant que possible afin de rejoindre les trois autres rois. Leurs dromadaires avançaient lentement, et j'avais l'espoir de les atteindre. Le chemin suivait une vallée déserte où d'énormes rochers se dressaient épars entre les taillis de térébinthes et de genêts en fleurs d'or. Soudain, j'entendis des cris venant d'un fourré. Je sautai de ma monture et trouvai des soldats qui s'étaient emparés d'une jeune femme et s'apprêtaient à lui faire violence. Ils étaient trop nombreux, je ne pouvais songer à me battre avec eux. Oh ! Seigneur, pardonne-moi encore cette fois ; je mis la main à ma ceinture, pris ma seconde perle et achetai sa délivrance. Elle me baisa les mains et s'enfuit dans les montagnes avec la rapidité d'un chevreuil.
A présent, il ne me restait plus qu'une perle, mais au moins je voulais te l’apporter, Seigneur ! Il était plus de midi. Avant le soir je pouvais être à Bethléem à tes pieds. Alors je vis une petite ville à laquelle les soldats d'Hérode avaient mis le feu et qui brûlait. On ne pouvait presque pas distinguer les flammes dans l'éclatante lumière du soleil, mais on voyait l'air trembler comme il tremble dans le désert.Je m'approchai et trouvai des soldats exécutant les ordres d'Hérode et tuant tous les garçons de deux ans et au-dessous. Près d'une maison en feu, un grand soldat balançait un petit enfant nu qu’il tenait par une jambe. L'enfant criait et se débattait. Le soldat disait : « Maintenant, je le lâche, disait-il à la mère, et il va tomber dans le feu. Il fera un bon rôti de cochon. »
La mère poussa un cri perçant. Seigneur, pardonne-moi ! je pris ma dernière perle et la donnai au soldat, pour qu'il rendit l'enfant à sa mère. Il le lui rendit ; elle le saisit, le pressa contre elle, ne dit pas merci, mais s'enfuit, tel un chien qui a trouvé un os.
Seigneur, c’est pourquoi me voilà les mains vides. Pardonne-moi, pardonne. »
Le silence régna dans l'étable quand le roi eut achevé sa confession. Pendant un instant, il resta le front appuyé contre le sol ; enfin, il osa lever les yeux. Saint Joseph avait fini de retourner la paille et s`était approché. Marie regardait son fils qui était contre son sein. Dormait-il ?
Non. L'Enfant-Jésus ne dormait pas.
Lentement, il se tourna vers le roi de Perse.
Son visage rayonnait ; il étendit ses deux petites mains vers les mains vides.
Et l'Enfant Jésus sourit.
Quand le Seigneur vient
Reprenons un peu de hauteur avec ce petit texte de François, si profond...
« Quand le Seigneur vient, il ne le fait pas toujours de la même manière. Il n’existe pas un protocole de l’action de Dieu sur notre vie. Un jour, il le fait d’une manière, un autre jour, il le fait d’une autre. Mais il le fait toujours. Il y a toujours cette rencontre entre nous et le Seigneur. Le Seigneur prend son temps, mais lui aussi dans ce rapport avec nous, a une grande patience. Nous ne sommes pas les seuls à devoir être patients. Lui a la patience, lui nous attend. Et il nous attend jusqu’à la fin de la vie, avec le bon larron qui juste à la fin a reconnu Dieu. Le Seigneur marche avec nous, mais très souvent, il ne se fait pas voir, comme dans le cas des disciples d’Emmaüs. ».
Tu troubles tout
Prêtre, philosophe, psychanalyste et théologien, Maurice Bellet est mort le 5 avril, à l'âge de 95 ans.Dans un des derniers entretiens qu'il a eu récemment avec un journaliste de La Vie, il avait cette belle formule :
« Quels que soient les risques, il faut y aller! Avancer, innover. »
Retrouvons Zachée, mologuant dans la nuit dans la nuit de Jéricho, tandis que Jésus dort.
Ils vont te tuer. Et tu sais l’horrible pensée? Peut-être ont-ils raison. Peut-être faut-il que tu meures.
Tu viens de l’au-delà du monde et tu vas où nous n’imaginons pas. Tu passes. Tu mets le feu. Tu troubles tout. Tu troubles notre mare stagnante, qui pouvait donner, si l’on est peu regardant, l’impression de l’eau pure. Mais maintenant, tu as tout remué, tout le monde voit : la vase puante que nous sommes.
Au fond, tu n'es pas des nôtres. Que pourrions-nous faire de toi ?
Un roi?
Ils ont essayé. Tu as fui.
(p 25)
Et toi, qu’est-ce que tu prêches ? Dis-le-moi. Tu es sans enfants. Tu as même fait, paraît-il, l’éloge de l’eunuque - personne n’a rien compris. Tu es sans bien au soleil, sans maison, sans terre, une sorte de vagabond. Tu n'aimes pas l’argent - et c’est peu dire. Tu n’es pas un guerrier. Tu ne jouis pas de ton pouvoir sur les foules. Tu te veux serviteur. Tu vas tout droit te jeter dans la gueule de tes ennemis. Tu décourages tes amis par des propos, je ne dis pas subversifs, ils pourraient aimer ça, mais totalement obscurs.
Ton discours sur le pain et la nourriture, ah la la! Franchement, qu’est-ce que c’est que ça? Qu'espères-tu? Que veux-tu? Te moques-tu du désir des hommes ? Les prometteurs d’au-delà seront toujours suspects aux gens de bon sens, comme moi.
Avec les dons que tu as, organise-nous un peu mieux ce monde-ci, la terre. Laisse le Ciel à ton Père des cieux.
Voilà que je vais encore me faire traiter de démon, comme ce pauvre Pierre, paraît-il, parce qu’il voulait t’empêcher de monter à Jérusalem. Ah, tu traites durement tes amis. Il n'est pas surprenant que tu en aies si peu.
(p 49)