Bartimée

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fraternité


Le message de l'hirondelle

 Un autre passage de "Oui mon Commandant", où Amadou Hampaté Ba parle de son maître Tierno Bokar. L'enseignement de celui-ci sur la charité est d'une grande force, et nous rappelle que dans chaque tradition religieuse les vrais spirituels ouvrent des voies d'humanisation.

 

Un jour de cette année 1933, j'écoutais, avec un groupe de grands élèves, la leçon que nous donnait Tierno. Ce jour-là, la leçon portait sur les différentes interprétations ésotériques de l'hexagramme (...) Emerveillés, nous buvions ses paroles. A l'extérieur, le vent soufflait très fort. Sous le choc d'une bourrasque plus violente que les autres, un nid d'hirondelle, qui se trouvait accroché sous l'avancée du toit, s'ouvrit en deux. Un petit poussin d'hirondelle, déséquilibré, tomba sur le sol, piaillant désespérément: “Tyou ! Tyou ! Tyou !’’ Fascinés par la leçon, aucun de nous ne s'intéressa à l'oisillon.

 

Le maître déposa le chapelet qu'il tenait à la main, ferma lentement son livre et nous regarda longuement, sans rien dire puis il regarda l'oisillon et ramena les yeux vers nous. "Maitre, qu'y a-t-il ? demanda un élève. - Donnez-moi ce fils d'autrui, que vous abandonnez derrière vous là-bas !' Quelqu'un lui apporta le poussin d'hirondelle. Il l'examina attentivement, vit qu'il n'était pas blessé et en rendit louanges à Dieu. Il déposa alors l'oisillon, puis alla dans sa chambre dont il revint avec une longue aiguille et du fil. Il demanda à un élève de renverser un gros mortier sur le sol juste sous le nid, et monta dessus. Je revois encore sa silhouette blanche dressée vers le rebord du toit. Là, de ses longs doigts fins de brodeur, il raccommoda si délicatement et si soigneusement le nid que celui-ci en devint sans doute plus solide qu'il ne l'avait jamais été. A sa demande quelqu'un lui tendit l'oisillon. Il le replaça doucement dans son nid, puis il revint s'asseoir.

 

Comme il ne rouvrait pas son livre, quelqu'un lui demanda: "Maître, nous continuons la leçon? - Non, c'est inutile, répondit Tierno. Il est nécessaire que je vous parle encore de la charité, car je suis peiné de voir qu'aucun de vous n'a suffisamment cette vraie bonté du cœur. Si vous aviez un cœur charitable, il vous eût été impossible d'écouter une leçon, portât-elle sur Dieu lui-même, quand un petit être misérable vous appelait au secours. S'il s'était agi du fils de votre mère, vous vous seriez précipités pour l'aider Mais celui-là ne parle pas : il ne sait que crier, il ouvre son bec pour crier au secours. Vous n'avez pas été émus par ce désespoir, votre cœur n'a pas entendu cet appel. Eh bien, mes amis, sachez que même si vous apprenez toutes les sciences et toutes les théologies de toutes les religions du monde, si vous n'avez pas de charité dans le cœur, cela ne vous servira absolument à rien Celui qui est sans charité, il pourra considérer ses connaissances comme un bagage sans valeur. Nul ne jouira de la rencontre divine s'il n'a pas de charité dans le cœur. Sans elle, ses cinq prières ne seront que des gesticulations sans importance ; sans elle, son pèlerinage sera une villégiature sans profit."

 

Ce jour-là, il n'a pas repris sa leçon ; il n'a fait que nous parler d'amour et de charité. Et depuis, aucun de nous ne pouvait plus voir un poussin ou un petit animal errer désemparé sans courir s'en occuper ou lui apporter de l'eau.

 

 

 

Amadou Hampaté Ba précise dans les notes : Tierno Bokar, qui ne savait ni lire, ni parler le français, ignorait tout des Evangiles et des propos de St Paul sur la charité dans sa première épitre aux Corinthiens. Il ne savait, de Jésus-Christ, que ce qui en est dit dans les nombreux versets du Coran qui lui sont consacrés, et il ignorait tout de ses apotres. Il ne faut donc voir ici aucune « influence » extérieure ; ceux qui sont parvenus au sommet de la montagne contemplent le même paysage, et il leur arrive de le décrire avec les mêmes mots.

 

St François - Giotto

St François - Giotto


07/07/2019
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Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus-Christ

Extraits du message du pape François pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié du 14 janvier 2018

 

Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus-Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté (cf. Mt 25, 35.43). Le Seigneur confie à l’amour maternel de l’Église tout être humain contraint à quitter sa propre patrie à la recherche d’un avenir meilleur. Cette sollicitude doit s’exprimer concrètement à chaque étape de l’expérience migratoire : depuis le départ jusqu’au voyage, depuis l’arrivée jusqu’au retour. (...)

À ce sujet, nous souhaitons réaffirmer que  notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes fondés sur les principes de la doctrine de l’Église : « accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ».

 

En considérant la situation actuelle, accueillir signifie avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination. En ce sens, un engagement concret est souhaitable afin que soit étendu et simplifié l’octroi de visas humanitaires et pour le regroupement familial. (...) Les expulsions collectives et arbitraires de migrants et de réfugiés ne constituent pas une solution adéquate, surtout lorsqu’elles sont exécutées vers des pays qui ne peuvent pas garantir le respect de la dignité et des droits fondamentaux. J’en viens encore à souligner l’importance d’offrir aux migrants et aux réfugiés un premier accueil approprié et digne.  (...)

 

Le deuxième verbe, protéger, se décline en toute une série d’actions pour la défense des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire. (...) Si elles sont reconnues et valorisées de manière appropriée, les capacités et les compétences des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, représentent une vraie ressource pour les communautés qui les accueillent. C’est pourquoi, je souhaite que, dans le respect de leur dignité, leur soient accordés la liberté de mouvement dans le pays d’accueil, la possibilité de travailler et l’accès aux moyens de télécommunication. (...)

 

Promouvoir veut dire essentiellement œuvrer afin que tous les migrants et les réfugiés ainsi que les communautés qui les accueillent soient mis en condition de se réaliser en tant que personnes dans toutes les dimensions qui composent l’humanité voulue par le Créateur. Parmi ces dimensions, il faut reconnaître à la dimension religieuse sa juste valeur, en garantissant à tous les étrangers présents sur le territoire la liberté de profession et de pratique religieuse. Beaucoup de migrants et de réfugiés ont des compétences qui doivent être adéquatement certifiées et valorisées. Puisque  le travail humain est par nature destiné à unir les peuples,  j’encourage à œuvrer afin que soit promue l’insertion socio-professionnelle des migrants et des réfugiés, garantissant à tous – y compris aux demandeurs d’asile – la possibilité de travailler, des parcours de formation linguistique et de citoyenneté active ainsi qu’une information appropriée dans leurs langues d’origine. (...)

 

Le dernier verbe, intégrer, se place sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général du fait de la présence de migrants et de réfugiés. L’intégration n’est pas une assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle. Le contact avec l’autre amène plutôt à en découvrir le “secret”, à s’ouvrir à lui pour en accueillir les aspects valables et contribuer ainsi à une plus grande connaissance de chacun. Il s’agit d’un processus de longue haleine qui vise à former des sociétés et des cultures, en les rendant toujours davantage un reflet des dons multiformes de Dieu aux hommes.(...)  J’insiste encore sur la nécessité de favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre, en multipliant les opportunités d’échange interculturel, en documentant et en diffusant les « bonnes pratiques » d’intégration et en développant des programmes visant à préparer les communautés locales aux processus d’intégration. (...)

 

 

 


16/03/2018
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Notre devoir d'aujourd'hui

 Pape François  2016

 

Notre devoir aujourd’hui, est d’aider et assister les migrants. Nous ne pouvons permettre que les malentendus et les peurs affaiblissent notre détermination.

  Si l’incompréhension et la peur prévalent, ce sera quelque chose de nous-mêmes qui sera abîmé, nos cultures, notre histoire, et nos traditions seront quant à elles affaiblies, et la paix, risque, elle, d’être compromise.   

 

 


03/03/2018
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J'étais un étranger

L’assemblée va commencer à discuter d’une nouvelle loi sur l’immigration. Les promoteurs de ce nouveau texte, mettent en avant leur réalisme, et la nécessité d’une bonne gestion des flux pour éviter une dérive des français vers l’extrémisme. Les arguments de bon sens pour limiter le nombre de migrants s’accumulent, et, malgré l’intense activité de plaidoyer des associations caritatives contre ce texte, il semble de plus en plus faire consensus.

Que nous dit notre tradition chrétienne ? Comment se situer ?

A chacun d’élaborer sa réponse, personnellement, la mienne trouve sa source « non réaliste » dans le chapitre 25 de l’évangile selon St Mathieu , et dans plusieurs textes du pape François. Je vous les propose, aujourd’hui et dans les jours à venir.

 

 

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.

Car (…) j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; (…)

 Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? Tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? (…)

Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. (…)car j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli (…)

(…)Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?”

Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.” 

 

 

 

 


03/03/2018
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Dans les pas de Joseph et de Marie, se cachent de nombreux pas

Pape François : homélie pour la nuit de Noël 2017

 

   Par décret de l’empereur, Marie et Joseph se sont vus obligés de partir. Ils ont dû quitter leurs proches, leur maison, leur terre et se mettre en route pour être recensés. Un trajet pas du tout commode ni facile pour un jeune couple qui était sur le point d’avoir un enfant : ils étaient contraints de quitter leur terre. Dans leur cœur, ils étaient pleins d’espérance et d’avenir à cause de l’enfant qui était sur le point de naître ; leurs pas, au contraire, étaient chargés d’incertitude et des dangers propres à qui doit quitter sa maison.

 

   Et ensuite, ils se trouvaient à affronter la chose peut-être la plus difficile : arriver à Bethléem et faire l’expérience que c’était une terre qui ne les attendait pas, une terre où il n’y avait pas de place pour eux.

Et justement là, dans cette situation qui était un défi, Marie nous a offert l’Emmanuel. Le Fils de Dieu a dû naître dans une étable parce que les siens n’avaient pas de place pour lui. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu ». Et là… dans l’obscurité d’une ville qui n’a ni espace ni place pour l’étranger qui vient de loin, dans l’obscurité d’une ville en plein mouvement et qui, dans ce cas, semblerait vouloir se construire en tournant le dos aux autres, précisément là, s’allume l’étincelle révolutionnaire de la tendresse de Dieu. À Bethléem, s’est ouverte une petite brèche pour ceux qui ont perdu leur terre, leur patrie, leurs rêves ; même pour ceux qui ont cédé à l’asphyxie causée par une vie renfermée.

 

   Dans les pas de Joseph et de Marie, se cachent de nombreux pas. Nous voyons les traces de familles entières qui, aujourd’hui, se voient obligées de partir. Nous voyons les traces de millions de personnes qui ne choisissent pas de s’en aller mais qui sont obligées de se séparer de leurs proches, sont expulsées de leur terre. Dans beaucoup de cas, ce départ est chargé d’espérance, chargé d’avenir ; dans beaucoup d’autres, ce départ a un seul nom : la survie. Survivre aux Hérode de l’heure qui, pour imposer leur pouvoir et accroître leurs richesses, n’ont aucun problème à verser du sang innocent.

 

   Marie et Joseph, pour qui il n’y avait pas de place, sont les premiers à embrasser Celui qui vient nous donner à tous le document de citoyenneté. Celui qui, dans sa pauvreté et dans sa petitesse, dénonce et manifeste que le vrai pouvoir et la liberté authentique sont ceux qui honorent et secourent la fragilité du plus faible.

 

LE VOYAGE VERS BETLHÉEM, ÉGLISE SAINT-SAUVEUR-IN-CHORA, ISTANBUL


27/12/2017
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