Vocation
Lacher !
Amadou Hampaté Ba est né vers 1900 à Bandiagara, au pays Dogon, dans l’actuel Mali. Il a fréquenté l’école coranique de Tierno Bokar, un sage musulman, mais aussi l’école française. Il en a tiré deux livres de souvenirs absolument merveilleux : « Amkoullel, l’enfant peul » et « Oui mon commandant ! ».
Vers 1920, devenu fonctionnaire de l'administration coloniale, il va faire ses adieux à son vieux maître. Ces propos d’un grand spirituel musulman peuvent parler à tout chercheur de Dieu, quelle que soit sa tradition religieuse.
« Amadou ! dit-il. Tu sais que dans cette vie d'ici-bas, que tu en prennes un petit peu, tu lâcheras ! Que tu en prennes plein les mains, Tu lâcheras ! Cette vie s'appelle «lâcher» ! Alors, il ne faudrait pas attendre le jour où la vieillesse arrive, quand le pied ne peut plus se lever, que l'œil ne voit plus clair et que la bouche n'a plus de dents, pour revenir à Dieu. Dieu Lui aussi aime les belles fleurs. Si l'on attend d'avoir dépassé l'âge mûr pour revenir à Lui, ce n'est pas un homme qui revient, mais un impuissant. Bien souvent, d'ailleurs, on ne le fait que par crainte de la mort et de l'enfer ; mais il ne faut pas adorer Dieu par peur de l'enfer ou désir du paradis, il faut l'adorer pour Lui-même. »
Oui mon Commandant ! (p79)
Que ma volonté soit faite
A nouveau Adrien Candiard, un beau passage sur ce qu'est la "Vocation".
Le mot «vocation» est trompeur. Il donne l'impression d'une voix extérieure, d'un appel comparable à celui d'un directeur des ressources humaines: « Allô, ici Dieu. J’ai un poste de missionnaire en Afrique à pourvoir et j'ai pensé à vous. Vous aviez d'autres projets? Une famille, des enfants, un métier? Tant pis, cher Monsieur, c'est cela ou rien. Bon, à la rigueur, j'ai toujours de la place chez les chartreux... ››
En réalité, la vocation vient bien nous déranger dans notre rangement, mais c'est parce qu'elle met tout ce bazar en place, qu’elle met à leur juste place tous les éléments de notre fouillis intérieur. Elle vient mettre de l’ordre, c'est-à-dire ordonner autour de notre vrai désir, de notre désir le plus profond. Notre vocation est en nous: c'est ce désir.
Y répondre, ce n'est pas étouffer ce que nous avons dans le cœur pour suivre la volonté de Dieu. C'est au contraire faire toute la place à ce désir que Dieu a mis en nous quand il nous a créés, et qui est, de façon parfois un peu mystérieuse, un désir de Dieu.
Certains chrétiens ont peur d'eux-mêmes. Ils se méfient de leurs désirs, qu'ils ne trouvent pas nécessairement très ragoûtants. On y trouve de tout, dans ses désirs: de la jalousie, de l’ambition, du désir sexuel... Mais il s'agit de passer de ces multiples désirs au désir le plus profond, le vrai, celui qui nous permettra de hiérarchiser tout le reste. Il n’y a pas deux amours, il n'y a pas deux Jacob, comme il n'y a pas deux Royaumes de Dieu. Et pardonnez-moi d'insister: il n'y a pas deux désirs. Bien sûr, des désirs, nous en avons des dizaines, qui s’opposent, qui se font la guerre, qui se concurrencent. Mais nous n'en avons qu’un véritable, et c'est celui-là que nous devons suivre. Accompagner une vocation, ce n'est pas se demander ce que Dieu veut pour la personne; c'est l'aider à se demander ce qu'elle veut au fond d'elle-même, ce qu'elle veut véritablement. Parce qu'en réalité, c'est la même chose.
Nous n'avons pas de meilleur indicateur de la volonté de Dieu que l'écoute attentive du vrai désir qu'il a mis en nous, et que personne ne connaît sinon nous-mêmes.
Je sais bien que nous nous méfions de nous-mêmes, et nous avons souvent raison de le faire.
Alors méfiez-vous de vous-mêmes tant que vous voudrez, mais faites confiance à Dieu. Il sait ce qu'il fait, lui. Il ne nous a pas créés distraitement, un peu trop vite, sans faire attention. Il faut faire confiance à l'acte créateur.
Discerner notre vocation, réaliser notre vocation, vivre une vie chrétienne, c'est apprendre à nous libérer du poids de nos fantaisies, de nos envies du moment, de nos tocades, pour nous concentrer sur notre désir le plus vrai, celui qui nous constitue et nous fait avancer, celui qui nous appelle vers le bien. Celui auquel le Christ faisait allusion quand il nous a dit, à nous aussi: «Quand tu étais sous le figuier, je t'ai vu. »
Que ta volonté soit faite, Seigneur. Ta volonté, c'est-à-dire la mienne, c'est-à-dire celle que tu as placée en moi, et qui ne me laissera jamais tranquille, tant qu'elle ne m'aura pas conduit jusqu'à toi.
Faire la volonté de Dieu ... Mais, comment ?
Quel prêtre, quel éducateur, ayant à aider des jeunes à choisir une orientation de vie n’a rencontré un jour des garçons et des filles venus lui dire avec espérance et angoisse : "j’ai un choix à faire, je veux faire la volonté de Dieu et je ne voudrais pas me tromper, ce serait grave, mais je ne sais pas ce que Dieu attend de moi, alors je viens vous voir pour que vous me donniez les moyens de le savoir en toute certitude."
Répondre à une question ainsi posée est impossible, prétendre le faire serait à tout le moins présomptueux. Qui peut se situer ainsi de plain pied avec la volonté divine ? Le discernement, dont nous dirons l’importance, ne nous livre pas, tels quels, les projets de Dieu sur nous ; il nous dispose à reconnaître dans nos désirs et nos souhaits ceux qui peuvent se réclamer de l’Esprit du Christ ; ce n’est pas la même chose!
La seule réponse que nous puissions faire à la question que nous venons d’évoquer, c’est de dire à ce garçon ou à cette fille : "La volonté de Dieu ce n’est pas d’abord que tu choisisses ceci ou cela ; c’est que tu en fasses bon usage, que tu choisisses toi-même, au terme d’une réflexion loyale, libérée de l’égoïsme comme de la peur, la manière la plus féconde, la plus heureuse de réaliser ta vie. Compte-tenu de ce que tu es, de ton passé, de ton histoire, des rencontres que tu as faites, de la perception que tu peux avoir des besoins de l’Eglise, et du monde quelle réponse personnelle peux-tu donner aux appels que tu as perçus dans l’Evangile? Ce que Dieu attend de toi, ce n’est pas que tu choisisses telle ou telle voie qu’il aurait prévue de toute éternité pour toi, c’est que tu inventes aujourd’hui ta réponse à sa présence et à son appel!"
Il ne s’agit plus alors de découvrir et d’accomplir un programme préétabli, mais de faire naître une fidélité. L’expérience montre que c’est un changement de perspective assez radical et qu’il demande souvent du temps.
Michel Rondet - SJ
les prêtres sont comme les avions
J’ai lu un jour que les prêtres sont comme les avions : ils ne font la une des journaux que lorsqu’ils tombent, mais il y en a beaucoup qui volent. Beaucoup critiquent et peu prient pour eux. C’est une phrase très sympathique mais aussi très vraie, parce qu'elle souligne l'importance et la délicatesse de notre service sacerdotal et tout le mal que peut causer à tout le corps de l'Église un seul prêtre qui « tombe ».
Pape François - voeux à la curie 2014
Des hommes ayant soif de Dieu
Comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? Et comment, toute révérence gardée, donner la soif et le goût de Dieu aux hommes qui l’ont perdu ? ... Comment faire boire un âne en respectant sa liberté ? Une seule réponse : trouver un autre âne qui a soif... et qui boira longuement, avec joie et volupté, au côté de son congénère. Non pas pour donner le bon exemple, mais parce qu’il a fondamentalement soif, vraiment, simplement soif, perpétuellement soif.
Un jour peut-être, son frère, pris d’envie, se demandera s’il ne ferait pas bien de plonger, lui aussi, son museau dans le baquet d’eau fraîche.
Des hommes ayant soif de Dieu sont plus efficaces que tant d’âneries racontées sur lui...
Jacques Loew