Bartimée

Bartimée

Ce monde, je ne le trouve pas aimable, c'est pourquoi je l'aime.

Extrait du livre de Martin Steffens : Rien que l'amour

 

Le chrétien est d'abord un homme comme les autres. Il est du monde. Mais un jour, il y a la blessure d'Amour, mortelle: sa part mondaine essaie d'y survivre. Impossible. Ou alors, elle tente de tuer cette Vie qui, par la blessure, fut tout à coup, comme une douleur, réveillée. Le vieil homme essaie de colmater la brèche par où a coulé jusqu'à lui un peu du sang du Christ. C'est possible qu'il y parvienne. C'est dommage.

Si au contraire on soigne la blessure, mais de sorte à ce qu'elle ne se referme pas, alors on sort du monde. On y est non plus en résident, mais en envoyé. Comme un ange. Non, pas comme un ange, trop pur, trop ailé. Mais comme un extraterrestre. Pas même un exilé: cette terre, j'y suis non pour la quitter, mais pour l'aimer. Un extraterrestre: je ne suis plus de ce monde, et j'y suis plus pleinement que jamais, car j'y suis pour aimer.

Et plus ce monde est laid et mal-aimable, plus il a besoin de mon amour.

Plus ce monde entend me distraire et me tromper (mais la blessure d'Amour m'a donné le goût du Mal qu'on porte en soi, et je ne suis pas dupe), plus je lui suis fidèle. Il y a un abîme entre «aimer» et «trouver aimable »: ce monde où je suis tombé depuis que la grâce m'est tombée dessus, je ne le trouve pas aimable, c'est pourquoi je l'aime.

Pas aimable: ce monde appartient au Prince du monde, aux banques, aux journaleux, aux médiocres, aux chauffards, aux mauvais esprits, aux mauvais jeux de mots, aux mafias, aux proxénètes. Donc je l'aime.

 



01/11/2016
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