Réapprendre à "nommer la sainteté"
Il faut admettre qu’il y a quelque chose dans notre commune humanité qui permet, qui appelle le dépassement, mais aussi reconnaître qu’il y a des modèles auxquels nous pourrions vouloir nous conformer. Or, nous ne savons plus comment faire et l’idée même de vertu va contre l’air du temps.
Il faut pourtant, me semble-t-il, réapprendre à « nommer la sainteté », que nous soyons croyants ou non, réapprendre à nommer ce qui constitue la sainteté, ce qui pourrait constituer une sorte de Nord magnétique des actions humaines. On voit bien ce qu’il pourrait y avoir de périlleux dans cet exercice : la constitution d’une espèce de catalogue des vertus dans lequel la morale se transformerait en moralisme. Nommer les saints plutôt que la sainteté est un exercice qui est davantage à notre portée. Les saints, les saintes (croyants ou non, hérétiques ou non, contemporains ou non, quelle importance?) sont humains, charnels, faillibles, et s’ils ont vaincu leur faiblesse, c’était parfois pour y retomber. Et n’imaginons pas la sainteté mièvre des livres d’images et des cours de catéchisme de notre enfance. La Résistance en France n’aurait pu exister, me semble-t-il, sans un certain nombre de saints. Non plus que les luttes populaires en Amérique latine.
Il ne manque pas, même à notre époque, de gens qui s’engagent totalement, qui commettent des actes de générosité insensés, qui sauvent des inconnus au péril de leur vie, ni de gens qui, jour après jour, dans la plus complète obscurité et le plus parfait anonymat, se battent pour la justice ou font don d’eux-mêmes auprès des malades ou des désespérés. Il y a de la sainteté dans leur engagement. Un peu, beaucoup, peu importe. Dans les moments d’indignation et de colère, c’est à eux que devraient aller nos pensées, car ils maintiennent en vie ce qu’il y a de meilleur dans la condition humaine. Un peu de cela est en chacun de nous. Voilà pourquoi et comment nous pouvons réapprendre, comme l’écrivait Tchekhov, à nous former les uns les autres et retrouver ainsi le chemin de l’engagement.
Bernard Émond - Revue Relations 2011
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