Ne pas construire autant que l'on peut
Dans le livre qu’il a publié en 2016, « Rien de qui inhumain ne m’est étranger. Eloge du combat spirituel », Martin Steffens analyse la présence du mal dans notre monde, et les combats intérieurs que nous avons à mener.
C’est un livre dense, dérangeant. Je vais en proposer dans les semaines à venir quelques extraits. Au moment où le Carême approche, c’est de saison !
Après avoir évoqué notre capacité à faire mal (aux autres, à nous-même) par manque d’attention, il s’intéresse à mal faire.
Faisons un pas de plus, un pas supplémentaire dans le mal commis volontairement. Non pas faire mal, mais mal faire. Mal faire, c’est ne pas soigner ce que l'on doit, c’est être négligent. C’est pécher par omission dans un domaine qui relève de notre responsabilité ou de notre compétence.
Certes, ce n’est pas encore agresser ou détruire directement. Mais c’est déjà ne pas mener la tâche qui nous est confiée à son accomplissement. Mon grand-oncle qui, en plus d’être un ingénieur autodidacte et un socialiste militant, était poète et portait le nom délicieux d’Henri Pompon, a un jour griffonné en exergue d`un traité sur l’élasticité des nouveaux matériaux : «Tout le monde n'est pas appelé à l’état de perfection. Mais chacun est appelé à la perfection de son état »
En effet : chaque être est habité par le désir d’être parfait, non pas absolument comme Dieu l’est, mais au niveau qui lui est propre. Ce qu’Henri Pompon nomme : « la perfection de son état ››. L’aide-soignante qui nettoie chacune des chambres des malades dont elle a la charge, avec professionnalisme et sans négliger la part humaine des relations que sa fonction implique, est parfaite. « Parfaite en son genre », diront les philosophes. Un petit malin rappellera sans doute que le médecin à la tête du service a étudié huit ans de plus qu’elle. Qu'il est donc, dans l’absolu, plus parfait qu’elle. « Dans l'absolu » sans doute... Mais nous ne vivons pas dans l'absolu. Le médecin lui-même reconnaîtra que ce que l’aide-soignante fait, quand il s'agit de changer un patient ou de frotter un dos plein d'escarres, il ne pourrait le faire lui-même. La comparaison n’est donc pas entre le médecin et l'aide-soignante, puisqu’ils accomplissent deux fonctions différentes, mais d'une part entre ceux, médecins ou aides-soignants, qui font ce qui leur revient et ceux, d'autre part, qui négligent leur métier.
Être négligent, c'est donc refuser d’aller au bout de soi.
Ce n’est pas détruire : c'est ne pas construire autant que l'on peut. Ce n'est pas un dommage que l'on commet mais « c'est dommage » : à cause de notre négligence, il y a un manque humain à gagner.
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