Le rôle central de Marie Madeleine a constitué un problème pour les hommes
“Le rôle central de Marie Madeleine a constitué un problème pour les hommes“
Lucetta Scaraffia, historienne et journaliste italienne, coordonnatrice du supplément féminin de L'Osservatore Romano.
Publié dans La Vie le 28/03/2018
Dans les Évangiles, la mort de Jésus sur la croix, comme un malfaiteur, n'est pas le seul scandale, il y en a un autre, moins reconnu : l'irruption d'une femme, Marie de Magdala – qui n'était même pas une parente de Jésus – dans ce qui est le noyau fondamental du récit, l'annonce de la Résurrection. Confier à une femme le message le plus bouleversant et le plus important, celui de la « bonne nouvelle » par excellence – c'est-à-dire le fait de ressusciter des morts – dans une société où le témoignage d'une femme valait la moitié de celui d'un homme, voilà un geste révolutionnaire... passé presque inaperçu pendant environ 2000 ans.
Marie Madeleine, la première apôtre
En choisissant Marie Madeleine comme témoin, Jésus montre qu'il reconnaît et apprécie l'extraordinaire capacité d'amour des femmes, la joie qu'elles éprouvent à donner sans demander aucune récompense, comme il l'avait déjà montré à plusieurs reprises dans les Évangiles. Par son geste d'amour fort et désintéressé, Marie Madeleine s'adjuge le rôle le plus important, le rôle décisif après celui de Marie.
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Pécheresse repentie : un rôle réducteur
Elle est donc, au fond, une femme fatale, non seulement en tant que grande pécheresse mais aussi comme élément déclencheur des forces du destin. La transformer en pécheresse repentie jette sur elle un voile de soupçon, minimise son rôle. Le préjugé était si fort qu'il a fonctionné, même si les rencontres de Jésus avec des femmes à la vie irrégulière sont nombreuses et importantes, parce qu'il reconnaît leur soif d'amour et leur capacité à en offrir. Dire que Marie Madeleine est une prostituée est une façon de la « remettre à sa place », pour effacer son rôle de témoin et d'apôtre. Pour faire oublier que, tandis que les apôtres se sont enfuis à l'heure de la Passion et que Pierre a renié Jésus, les femmes, elles, et Marie Madeleine en particulier, sont restées avec lui jusqu'au dernier moment, et que Madeleine, avec d'autres femmes peut-être, a été la première à se rendre au sépulcre après le sabbat. Mais Marie Madeleine a toujours été présentée comme une « repentie » qui pleure sur ses péchés, alors que Pierre, qui a renié Jésus, est devenu un modèle pour tous les prêtres de l'Église.
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La véritable apôtre
Au cours des dernières décennies, des femmes exégètes ont fait comprendre combien la présence féminine dans les Évangiles était importante et rétabli la vérité à propos de Marie Madeleine, mettant enfin en évidence son rôle d'apôtre. Mais la manière d'interpréter le personnage de Marie, mère de Jésus, a aussi changé : l'humble et obéissante jeune fille, modèle de toutes les femmes, a été perçue telle qu'elle était dans la réalité, c'est-à-dire un exemple de courage, acceptant une grossesse irrégulière et le risque d'être lapidée.
Le pape François a franchi une nouvelle étape en 2016, en élevant, dans le calendrier liturgique, la mémoire de sainte Marie Madeleine (le 22 juillet) au rang de fête, comme celles des apôtres, et en lui reconnaissant donc pleinement ce titre d'« apôtre des apôtres ». C'est une décision très importante, comme celle qui a été prise par Paul VI en 1970 quand il a proclamé docteures de l'Église deux femmes, Catherine de Sienne et Thérèse d'Ávila. Un pas en avant décisif, parce que tout ce qui concerne cette femme si importante touche au destin global des femmes dans l'Église.
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