Je ne comprends pas où il veut en venir
Et Dieu se fit vulnérable
Carlo Maria Martini
Alors poursuit le texte, au verset 56 : les disciples l’abandonnèrent tous et prirent la fuite.
C’est bien leur désarroi qui est souligné, pas total, car ils conservent au moins la foi élémentaire. Pourtant leurs pensées sont tellement enténébrées qu’ils ne savent plus très bien que croire de Dieu.
Et puis, Pierre est brouillé dans sa propre identité : il ne sait plus qui il est, ce qu’il doit faire, quelle est sa charge dans le Royaume. Il ne sait plus qui est ce Jésus que Dieu a abandonné. Tout n’est que trouble dans le cœur de Pierre qui aime pourtant profondément son Maître, alors (le verset 58 le relève aussitôt) : il le suivait de loin
Il n’ose pas le suivre de près, puisqu’il ne sait plus que faire à présent, mais il ne peut pas ne pas le suivre. C'est un homme divisé : il a été empoigné par le Christ et, en même temps, il sent bien qu'il veut le repousser. Le suivre de loin est le compromis qui n'échappe à personne dans la scène du triple reniement, témoignage public du désarroi de Pierre.
Puisqu’il ne sait plus ni qui il est lui-même, ni qui est Jésus, Pierre, paradoxalement, donne de vraies réponses.
Une servante s'approcha de lui en disant : Toi aussi, tu étais avec Jésus, le Galiléen. Mais lui nia devant tout le monde en disant : Je ne sais pas ce que tu dis.
Un acte de lâcheté, oui, qui n'est pas le produit de la peur à l’état pur (Pierre était prêt à mourir), mais l'effet du désarroi total.
A la seconde question : Celui-là était avec Jésus le Nazôréen, de nouveau, il nia avec serment : Je ne connais pas cet homme.
L'évangéliste, semble-t-il, joue sur le sous-entendu : je ne sais plus vraiment qui il peut être, il est devenu pour moi un mystère, je ne peux plus rien pour lui, je ne comprends pas où il veut en venir, plus rien n'a de sens. Dieu intervient toujours en faveur du juste, alors cet homme n’est pas un juste, il nous a trompés... La confusion de Pierre le met dans un tel état qu’il en vient à jurer, avec force imprécations, contre Celui qu’il aime.
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