Bartimée

Bartimée

Dieu est le Dieu du présent, pas celui des rêveries et des châteaux en Espagne

J'ai lu avec délectation le petit livre d'Adrien Candiard, Veilleur où en est la nuit ? Petit traité de l’espérance à l’usage des contemporains. (Cerf 2016)

 

Le dominicain évoque notre situation situation de chrétiens occidentaux dans un monde de plus en plus indifférent ou hostile. Il fait alors un parallèle avec la situation de  Jérusalem en 587 av JC, quand le roi de Babylone fait le siège de la ville, puis la détruit et amène ses habitants en exil.

Au milieu de cette débacle, comment garder l'espérance ? la seule promesse que fait alors Dieu au prophète Jérémie est « Je serai avec toi »

 

 

« Je serai avec toi. ›› On aurait tort d'y entendre une mielleuse consolation sentimentale.

 

La promesse n'a rien à voir avec le réconfort que les jeunes enfants trouvent à la présence d'un ami imaginaire. Au contraire, cette présence promise a un coût exorbitant : elle exige de renoncer d'abord à toutes les consolations imaginaires dont nos vies sont remplies. Face au mal qui ronge le monde, au mal qui nous fait mal et dont nous sommes parfois la cause, la solution la plus simple consiste à chercher des compensations mentales. On trouve du courage dans les difficultés en imaginant que l'avenir sera meilleur; on se console grâce aux agréables souvenirs du passé; on imagine des vengeances sophistiquées qu'on ne réalisera jamais. Ces compensations imaginaires, dans le passé, l'avenir ou l'ailleurs, ont un défaut: elles ne sont pas vraies. C’est pourquoi elles déçoivent toujours.

 

 On en fait l'expérience désagréable quand on envoie un mail ou un texto à une personne qu'on aime, qui compte, et dont la réponse nous déçoit; ce n'est pas ce qu'on attendait, on attendait mieux, une réponse plus chaleureuse ou plus personnelle. C’est qu'on aime alors une personne imaginaire, dont on a écrit par avance les répliques, et nous voilà déçus que la réalité ne s'accorde pas avec notre imagination.

 

On a, par le passé, insisté sur le « renoncement» chrétien. La notion a pu être mal comprise, ou mal présentée, et donner lieu à des développements doloristes plus ou moins tragiques. Elle n'en est pas moins essentielle. Mais le véritable renoncement chrétien, c'est celui qui porte sur ces soutiens imaginaires. Si Dieu pose l’exigence invraisemblable, pour qui veut le rencontrer, de renoncer à ces béquilles illusoires, ce n'est pas pour sacrifier aux injonctions du développement personnel, qui nous ordonne de vivre au présent pour voir tous nos soucis disparaître; c'est parce que Dieu n’existe que dans le monde réel. Il n'est ni hier, ni demain, ni ailleurs: c'est le Dieu du présent, pas celui des rêveries et des châteaux en Espagne. Il ne se rencontre que dans la vraie vie, le vrai monde, le même monde que celui où |'on rencontre le chômage de masse et le terrorisme.

 

L'espérance chrétienne espère nécessairement contre toute espérance, c'est-à-dire contre tous les faux espoirs qui nous protègent d'une rencontre rugueuse avec le monde réel où Dieu nous attend. Comment pourra-t-il nous sauver si nous sommes ailleurs? Comment même pourrons-nous comprendre ce qu'est le salut, ni pourquoi il nous faut être sauvés, si nous ne regardons pas le monde réel, avec le mal qui le traverse, en face ?

 

(p62-64)

 



09/07/2018
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