Bartimée

Bartimée

le fumier du diable

Un texte étonnant de Pier Pao Pasolini (écrits corsaires 1974) où le cinéaste marxiste s'adresse à l'Eglise. Est-on si loin du pape François, dont je vous propose un extrait du discours de Santa Cruz

 

Si les fautes de l'Église ont été nombreuses et graves dans sa longue histoire de pouvoir, la plus grave de toutes serait d'accepter passivement d'être liquidée par un pouvoir qui se moque de l'Évangile. Dans une perspective radicale, peut-être utopiste ou, c'est le moment de le dire, millénariste, ce que l'Église devrait faire pour éviter une fin sans gloire est donc bien claire : elle devrait passer à l'opposition et, pour passer à l'opposition, se nier elle-même. Elle devrait passer à l'opposition contre un pouvoir qui l'a si cyniquement abandonnée en envisageant sans gêne de la réduire à du pure folklore. Elle devrait se nier elle-même, pour reconquérir les fidèles ( ou ceux qui ont un "nouveau" besoin de foi) qui l'ont abandonnée à cause justement de ce qu'elle est.

 

En reprenant une lutte qui d’ailleurs est dans sa tradition (la lutte de la papauté contre l’empire), mais pas pour la conquête du pouvoir, l’Église pourrait être le guide, grandiose mais non autoritaire, de tous ceux qui refusent le nouveau pouvoir de la consommation, qui est complètement irreligieux, totalitaire, violent, faussement tolérant et même, plus répressif que jamais, corrupteur, dégradant (jamais plus qu’aujourd’hui n’a eu de sens l’affirmation de Marx selon laquelle le Capital transforme la dignité humaine en marchandise d’échange). C’est donc ce refus que l’Église pourrait symboliser, en retournant à ses origines, c’est-à-dire à l’opposition et à la révolte. Faire cela ou accepter un pouvoir qui ne veut plus d’elle, ou alors se suicider.

 

 

Pape françois - Santa Cruz - 2015

 

Et derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, se sent l’odeur de ce que Basile de Césarée appelait “le fumier du diable”; l’ambition sans retenue de l’argent qui commande. Le service du bien commun est relégué à l’arrière-plan. Quand le capital est érigé en idole et commande toutes les options des êtres humains, quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système socio-économique, cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux autres, et comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune.

 

 

 

L'Evangile selon Saint Matthieu, de Pier Paolo Pasolini



25/03/2018
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