Bartimée

Un jour, dans la salle de travail de Karl Barth à Bâtez en haut, lors d'une joyeuse discussion au sujet de la papauté, je lui dis finalement avec un sourire d'indulgence : " Je reconnais que vous êtes de bonne foi! " Il me répond alors, subitement très sérieux :

La bonne foi? Je ne me l'accorderai jamais! Et si je suis un jour appelé à paraître devant mon Dieu et Seigneur, je ne me présenterai pas devant lui avec l'ensemble de mes œuvres théologiques sous le bras; tous les anges riraient de moi. Et je ne dirai pas non plus, pour me justifier : " J'ai toujours eu une bonne intention ", la " bonne foi ". Non, je me tiendrai devant lui, les mains vides, et je n'aurai que la parole : " Dieu, donne ta miséricorde au pauvre pécheur que je suis! ".

C'est la parole du publicain, au fond du Temple, cette parole dont j'espère, depuis, qu'elle sera aussi la mienne. Du coup je comprends, pour le reste de ma vie, le caractère libérateur et consolant de ce message et ce que j'espère conserver pour toujours : la foi confiante chrétienne. C'est la confiance fondamentale radicale, qui a trouvé, à la lumière de Jésus, sa racine en Dieu avec sa miséricorde qui ne se vante aucunement de ses performances mais ne se laisse pas non plus décourager par les échecs.

Hans Küng – Mémoires1 – Cerf – p 180